La mulâtresse Solitude entre histoire et littérature

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Temps de lecture : environ 3 minutes.
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J’ai profité des fêtes de fin d’années pour me plonger dans de la bonne littérature. Cette année, j’ai eu un gros coup de cœur pour le roman d’André Schwarz-Bart La mulâtresse Solitude. Comme je vous parlais récemment de Louis Delgrès, je me suis dit que ce serait chouette de vous dire quelques mots de cette autre figure emblématique du tragique combat contre le rétablissement de l’esclavage à la Guadeloupe de mai 1802. Aujourd’hui, je vous parle donc de la Guadeloupéenne Solitude, symbole du combat des femmes pour la liberté.

La mulâtresse Solitude, un peu d’histoire et beaucoup de littérature

Comme malheureusement trop souvent pour l’histoire des femmes de cette période, on a très peu d’informations dans les sources historiques. Ce que l’on sait de la vie de Solitude relève surtout de l’histoire légendaire. Ce dont on est sûr ? Trois fois rien. Tout ce qu’on sait (ou croit savoir) vient de quelques lignes rédigées par Auguste Lacour dans son Histoire de la Guadeloupe.

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Résistante, capturée, enceinte, condamnée à mort, suppliciée en 1802 le lendemain de son accouchement. Oui, réellement, c’est tout… Je n’ai en tout cas pas trouvé de sources plus anciennes pour le moment. Le reste de son histoire, c’est ce qu’on peut légitimement imaginer. Et à ce jeu, le roman de Schwarz-Bart est très bon.

tanlistwa-mulatresse_solitude-livreDans le roman, on suit tout d’abord le destin de Bayangumay, née en Afrique, ayant subi la difficile traversée de l’Atlantique et la mise en esclavage sur une habitation guadeloupéenne. L’auteur en fait la mère de Solitude. Le roman s’intéresse ensuite à ce qu’a pu être le vie de Solitude depuis son enfance jusqu’à sa mort. Je ne développe pas plus pour vous laisser découvrir l’histoire par vous-même.

En tout cas, je n’ai pas été déçue : le style littéraire, le déroulement, la construction psychologique des personnages et le développement nuancé des relations entre les différentes personnes… m’ont vraiment happée au fil des pages. J’en suis ressortie avec l’envie de lire une suite, ce dont devrait faire office L’Ancêtre en Solitude. De fait, c’est un bon roman si vous avez envie d’approcher ce qu’a pu signifier la traite des Noirs et leur mise en esclavage dans les caraïbes françaises, car l’univers historique proposé est crédible et documenté. C’est le genre de livre que je recommanderai à des étudiants d’histoire à l’université pour réfléchir à la vie des esclaves sur les habitations coloniales, au douloureux rapport à la couleur, aux résistances…

Solitude, la construction symbolique pour la mémoire collective

tanlistwa-la-mulatresse-solitude-statuePetit à petit la mulâtresse Solitude est entrée dans la mémoire collective guadeloupéenne et même au-delà. En 1999, une statue la représentant et dont les traits sont réalisés par Jacky Poulier a été inaugurée par la commune des Abymes en Guadeloupe. Une autre statue réalisée par le sculpteur Nicolas Alquin a ensuite été érigée en 2007 à Bagneux dans le cadre des commémorations de l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière. L’UNESCO l’a mise à l’honneur dans un dossier pédagogique. Son nom et son histoire sont de plus en plus utilisés pour rappeler l’histoire des femmes noires.

Et vous, connaissez-vous d’autres sources historiques qui parlent de Solitude ? Avez-vous en tête des figures féminines de résistance à l’oppression de l’esclavage?


Bibliographie
Schwarz-Bart (André), La mulâtresse Solitude, Paris, éd. du Seuil, 1972.
Note : le couple Simone et André Schwarz-Bart a coécrit plusieurs romans signés de l’une ou l’autre main ou des deux touchant particulièrement à l’histoire juive et à l’histoire antillaise.

Archives
Bibliothèque nationale de France,
Lacour Auguste, Histoire de la Guadeloupe 1798 à 1803, T. 3, Impr. du gouvernement (Basse-Terre (Guadeloupe)), 1837-1858 .

Iconographies
Manioc.org dans un article sur la mulâtresse Solitude

Webographie

2 réflexions sur “La mulâtresse Solitude entre histoire et littérature

  1. Merci pour cet article très intéressant. Y a t-il au moins un décès d’une esclave nommée Solitude dans un registre de décès, ou bien la trace d’un procès?

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    1. Pas à ma connaissance ; néanmoins, dans le dossier l’UNESCO, il est noté « Il était fréquent de voir des peines de mort commuées en d’autres peines telles que des travaux forcés. Il faut par ailleurs signaler la présence d’une femme nommée Solitude dans un registre des nouveaux libres de 1860 en Guadeloupe ; il s’agirait d’une femme âgée de 80 ans à laquelle est donné le nom patronymique de « Toto ». Une conjonction de faits pourrait indiquer que cette Solitude soit la mulâtresse de 1802 car l’âge correspond et le patronyme attribué est troublant ; il évoque une autre figure féminine de 1802. En effet, Toto est aussi le surnom de Marthe Rose dite Toto, la compagne de Delgrès. On pourrait même supposer que Marthe Rose dite Toto serait la sœur de Solitude. »

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