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Vous lirez souvent au gré de vos balades sur la toile que Fort-de-France devint la capitale de la Martinique en 1902 quand Saint-Pierre fut détruite par l’éruption volcanique de la montagne Pelée.
L’histoire est un peu plus complexe !
Quand Belain d’Esnambuc colonise la Martinique en 1635, il fait construire un premier fortin près de ce qui devient la ville de Saint-Pierre. Les colons s’implantent ainsi d’abord sur la côte Nord-Caraïbe. Fort-Royal, qui devient Fort-de-France au XIXe siècle, est fondée quelques décennies plus tard, en 1669, par le marquis de Baas.
Adrien Dessalles dans son Histoire générale des Antilles raconte que « la citadelle du Fort-Royal achevée, le gouvernement s’occupa de construire la ville de ce nom ; le 10 juillet 1673, le sieur Du Ruau-Palu, agent général de la compagnie, rendit une ordonnance, par laquelle il permit à tout le monde de choisir le terrain qu’il jugerait le plus commode, dans la nouvelle enceinte, pour y bâtir, en suivant toutefois les alignements marqués dans un plan particulier… »
Le site bénéficie en effet d’une baie qui constitue un bon abri pour les bateaux en période cyclonique et l’emplacement est bien plus propice que Saint-Pierre à la défense militaire de l’île. En 1692, Blénac, gouverneur général de l’île, décide de faire de Fort-Royal, sa résidence administrative. Fort-Royal devient officiellement la capitale administrative de l’île.
Pour autant le choix ne fait pas l’unanimité comme en témoigne en 1700 un mémoire au sujet de l’établissement d’une ville au Fort-Royal. On peut y lire que « l’intention de Sa Majesté [est] de faire finir les contrariétés (…) sur la préférence qui doit être donnée, ou au bourg du Fort Royal, ou à celui du fort St Pierre, pour en faire une ville fortifiée ». Pour ce faire, les arguments en faveur de l’une ou autre ville sont énoncés. D’un côté, Saint-Pierre est « bien plus considérablement établi, que le Bourg du Fort-Royal », mais dans le même temps elle ne peut « être mise en aussi grande sûreté, n’y être si commode pour le commerce que celle du Fort Royal ». De fait, les nouveaux habitants ne se bousculent pas à Fort-Royal. Il faut dire que le site marécageux est moins attractif que Saint-Pierre pour les colons et l’on craint d’y mourir de fièvre.
Aussi, sur le plan économique nul doute que, Saint-Pierre, celle qu’on surnomme le Petit Paris des Antilles, a la prééminence sur Fort-de-France jusqu’en 1902. La ville de 26 000 habitants à la veille de l’éruption est non seulement un lieu primordial du commerce colonial, mais aussi un espace culturel majeur. Reste que d’un point de vue strictement administratif, et en considérant que la capitale est le lieu où siège le gouvernement, c’est bien Fort-de-France, autrefois Fort-Royal, qui est pendant plusieurs siècles la ville capitale de la Martinique.
Sources :
DE LA BOULAYE, Mémoire contenant l’avis du sieur de La Boulaye au sujet de l’établissement d’une ville au Fort-Royal, 5 avril 1700.
DESSALES Adrien, Histoire générale des Antilles, 1847, p. 176.
Bibliographie:
SAINTON Jean-Pierre (ed.), Histoire et civilisation de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Petites Antilles)…, Paris, Karthala, 2012, vol.2, p. 294.
Iconographie : Plus de détails pour les iconographies sur manioc.org
Fort-de-France, Martinique (Formely Fort Royal), [avant 1890],
LE CAMUS C., Vue de Saint-Pierre et de la Montagne Pelée avant l’éruption du 8 mai 1902.